Ah, si l'électron, dans sa première et déjà si fuyante incarnation quantique, m'apparaissait tel un souvenir insaisissable, celui que nous propose Monsieur Nottale, avec sa théorie d'échelle, s'enfonce plus avant encore dans les abysses du réel, là où l'espace lui-même perd ses contours lisses et rassurants pour se révéler d'une complexité inouïe, semblable à ces paysages intérieurs que l'on découvre en soi au fil des années, toujours plus vastes et tortueux qu'on ne l'eût initialement soupçonné.
Imaginez, si vous le voulez bien, que le théâtre des évolutions de cet électron n'est plus ce vide homogène et prévisible que l'on se plaisait à concevoir, mais un tissu dont la trame, observée avec une attention toujours plus pénétrante – comme l'on s'attacherait aux détails d'une phrase de la Berma pour en déceler toutes les inflexions – se révélerait non pas lisse, mais infiniment brisée, fractale. C'est un peu comme si le chemin de Guermantes, que je croyais connaître par cœur, se démultipliait à chaque pas en une infinité de sentiers dérobés, chacun possédant sa propre logique, sa propre sinuosité, rendant la notion même de "chemin direct" une illusion de notre perception grossière.
L'électron de Monsieur Nottale, voyez-vous, ne serait plus cet être quantique aux sauts inexplicables par pure bizarrerie intrinsèque. Non, il deviendrait, de façon presque plus mélancolique et déterminée, le simple voyageur suivant la ligne la plus naturelle, la géodésique, mais tracée sur cette carte vertigineusement complexe d'un espace-temps non différentiable. Son allure incertaine, ses sauts de carpe dans l'onde, ne seraient alors que le reflet de l'infinie anfractuosité du chemin qu'il est contraint d'emprunter. C'est comme si, pour se rendre d'un point à un autre dans le salon des Verdurin, il fallait non pas traverser une pièce aux meubles bien disposés, mais naviguer à travers un labyrinthe de conversations, d'allusions, de sous-entendus, où chaque pas doit être ajusté à l'échelle microscopique des interactions sociales, invisibles à l'observateur lointain.
Ainsi, ce qui, dans la physique quantique, apparaissait comme une limitation de notre connaissance, une barrière probabiliste, devenait avec Monsieur Nottale une description de la géométrie même de l'existence de l'électron. La "résolution" avec laquelle on l'observe changerait sa nature perçue. Tel un sentiment qui, examiné de trop près, se dissout en une myriade de sensations contradictoires, ou qui, contemplé avec le recul du temps, prend une cohérence nouvelle, l'électron de Nottale nous enseigne que la réalité est une question d'échelle. Sa danse n'est plus seulement celle d'une particule dans un vide, mais la danse du vide lui-même, dont la structure intime, rugueuse et discontinue, dicte la chorégraphie. Sa masse, sa charge, n'étaient plus des attributs arbitraires, des étiquettes apposées par décret, mais des manifestations de la manière dont cet électron interagissait avec les multiples échelles de ce tissu fractal. Comme une note de musique dont la résonance change selon l'acoustique de la cathédrale, les propriétés de l'électron émergeaient de sa danse avec les infinies résolutions de l'univers.
La physique quantique nous laissait face à un mystère voilé ; la relativité d'échelle, elle, soulevait un coin du voile pour nous laisser entrevoir que le mystère résidait dans la richesse infinie de la trame même de la réalité. Là où la quantique (interprétation de Copenhague) embrasse un indéterminisme fondamental, la relativité d'échelle, en liant le comportement quantique à une géométrie sous-jacente (bien que complexe et non-différentiable), ouvre la porte à une forme de déterminisme géométrique, où les probabilités seraient issues de l'exploration de cette infinité de chemins fractals.
C'est donc à une humilité nouvelle que nous convie cette vision : l'électron, dans sa valse dictée par les replis infinis de l'espace à des échelles infimes, nous rappelle que ce que nous tenons pour acquis, la douceur d'une ligne, la certitude d'un lieu, n'est peut-être qu'une illusion née de notre incapacité à percevoir la trame infiniment détaillée du réel. Il est le témoin de ce que l'univers, à l'instar d'une conscience qui se sonde elle-même, est peut-être plus proche d'une œuvre de dentelle aux motifs sans cesse répétés et variés, que d'une toile lisse tendue par un peintre pressé. Et sa trajectoire, cette indicible "fractale", serait la signature même de cette complexité fondamentale, murmurant à l'oreille de celui qui sait l'entendre que le chemin le plus simple, dans un monde infiniment riche, est lui-même d'une richesse infinie. Chaque mesure, chaque interaction, était comme une nouvelle promenade à Guermantes, révélant des aspects jusqu'alors insoupçonnés de ce personnage fondamental de la matière.