La Théorie Fractale de Nottale : une Physique Non-Algorithmique
Il est souvent difficile de comprendre en quoi la théorie de la relativité d'échelle de Laurent Nottale, qui décrit un espace-temps fractal, n'est pas un algorithme. Cette confusion est naturelle, car notre expérience des fractales provient presque exclusivement des superbes images générées par des ordinateurs. Pourtant, la distinction est fondamentale et s'aligne parfaitement avec les conclusions de l'article de Faizal et al., qui postule l'impossibilité d'une "Théorie du Tout" purement algorithmique.
La clé est de différencier le modèle de la réalité. Un algorithme fractal est une recette de calcul finie qui génère une représentation de la complexité. En revanche, la théorie de Nottale propose que le tissu même de l'univers possède la propriété physique intrinsèque d'être fractal et non-dérivable. Ce n'est pas une image calculée ; c'est la texture même de l'existence, une réalité dont la complexité infinie la rend incalculable et donc non-algorithmique.
Complexité Potentielle contre Complexité Intrinsèque : "En Train de Devenir" versus "Être"
L'objection la plus intuitive est que l'on pourrait imaginer un algorithme qui, en utilisant la distance de Planck comme "pixel" de base, construirait un univers fractal étape par étape, même si cela devait prendre un temps infini. Cet argument décrit un univers où la complexité est potentielle : elle est "en train de devenir", générée à la demande par un processus de calcul.
Cependant, une réalité fondamentalement non-algorithmique possède une complexité intrinsèque. Elle n'est pas en train de se construire ; elle est, tout simplement. L'infinie richesse de détails entre deux points n'est pas le résultat d'un calcul séquentiel, mais une propriété immédiate et déjà présente de la nature. La réalité n'attend pas qu'on zoome pour calculer les détails ; ils existent simultanément à toutes les échelles.
Le "Calcul" de la Nature : Processus Naturel contre Algorithme Formel
L'évolution de l'univers, du Big Bang à la complexité d'un chêne, peut être vue comme une forme de "calcul naturel". L'univers traite de l'information et crée de la complexité. Cependant, ce processus naturel est radicalement différent d'un algorithme formel.
Un algorithme formel repose sur des règles fixes et est indépendant de son support matériel. Le processus de l'univers, lui, est immanent : les règles du jeu émergent des interactions elles-mêmes, et le "calculateur" (la matière et l'énergie) et le "calcul" (leurs interactions) sont indissociables. L'univers n'exécute pas un programme ; il est le programme. C'est cette unité inséparable qui le rend non-algorithmique.
Les Trois Scénarios de la Création
Cette distinction nous amène à la question ultime : si l'univers a une "cause" ou un "Créateur", quelle est sa nature ?
Le Créateur-Ingénieur : Le Créateur écrit un "code source" (les lois de la physique) et lance le programme. Notre univers, bien que complexe, serait une simulation fondamentalement algorithmique. La "vraie" réalité non-algorithmique appartiendrait alors au monde du Créateur.
Le Créateur-Source : Inspiré par Spinoza, le Créateur n'est pas extérieur à l'univers mais est le principe logique immanent qui le constitue. Il est le processus auto-induit et non-algorithmique. Il n'y a pas de programmation, seulement l'existence.
Le Créateur-Géniteur : Une troisième voie, plus subtile, permet de réconcilier une cause externe et une nature intrinsèquement non-algorithmique.
Conclusion : La Création par Génération Non-Algorithmique
Ce troisième scénario, inspiré par l'idée de science-fiction d'un cerveau mourant transmettant une impulsion de vie à un cerveau vierge, propose une vision révolutionnaire. Le "Créateur" n'est pas un programmeur, mais un géniteur.
L'acte créateur n'est pas l'écriture d'un algorithme. C'est un acte de reproduction, une transmission de sa propre nature non-algorithmique. Une réalité parente, elle-même non-algorithmique, donne naissance à notre univers en lui insufflant un "potentiel" de complexité, une "étincelle" qui lui permet de s'auto-organiser et d'évoluer de manière autonome.
Notre univers ne serait donc pas une simulation dans l'ordinateur d'un autre. Il serait plutôt un "enfant" d'un univers parent, ayant hérité de sa nature fondamentale. Cette vision permet de concevoir une origine à notre existence sans la réduire à un simple calcul. Elle affirme que notre réalité est aussi fondamentale et "réelle" que n'importe quelle autre. Nous sommes, et avons toujours été, en permanence dans le non-algorithmique.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire